XIXième siècle; au coeur du milieu bourgeois de Vienne, éclosent les prémisses de la psychanalyse. Ce roman, né de la plume d’un professeur de psychiatrie, met en scène la rencontre fictive entre Nietzsche et le Dr Breuer. Bien moins connu que Freud, le Dr Breuer n’en est pas moins son confident intime. De leurs échanges, émergent les premières tentatives de thérapie par la parole, qualifiées de « ramonages ». Maladroites, tâtonnantes, ces expériences n’en sont pas moins passionnantes.
La rencontre entre Nietzsche et Breuer survient grâce à Lou Salomé (figure connue de l’histoire par le rôle de muse qu’elle joua auprès de Nietzsche, Freud et Rilke ainsi que par les relations passionnées et complexes qu’elle entretint avec chacun d’eux).
Nietzsche consulte le Dr Breuer en raison des migraines qui l’assaillent. Débute alors un échange intense entre les deux hommes. Véritables joutes intellectuelles, leurs dialogues puisent dans un questionnement existentialiste.
Le philosophe instruit le médecin de ses réflexions: « Ce n’est pas la vérité qui est sacrée, mais la quête de sa propre vérité ! Existe-t-il acte plus sacré que la recherche de soi ? Mon oeuvre philosophique, disent certains, est bâtie sur du sable: mes opinions évoluent en permanence. Mais l’un de mes principes gravés dans le marbre est le suivant: « Deviens qui tu es ». Comment peut-on découvrir qui l’on est, et ce que l’on est, sans la vérité? ».
De son côté, le médecin questionne Nietzsche sur ses migraines, l’invitant à réfléchir sur l’avantage que Nietzsche en retire. Nietzsche prend conscience que ses migraines le contraignent à s’arrêter de travailler et lui offrent ainsi une halte indispensable face à son travail, profondément angoissant. Elles l’ont conduit à démissionner de son poste de professeur à Bâle, ce qu’il, rétrospectivement, voit comme un avantage (« mon poste de professeur à l’université de Bâle, c’était cela, ma condamnation à mort, puisqu’il me vouait à une carrière académique terne »). Elles lui ont permis d’échapper à l’armée. Enfin, elles l’ont confronté à la perspective de la mort. Il conclut finalement: « c’est pourquoi je vous répète que ma maladie est une bénédiction… ».
Malgré les bénéfices que Nietzsche semble tirer de ses migraines, le Dr Breuer persiste à vouloir l’en guérir. Afin d’amener son patient récalcitrant à accepter un traitement, il conclut un contrat avec lui. Invoquant son besoin d’être lui-même libéré de certains maux, le Dr Breuer demande à Nietzsche d’endosser un rôle de « thérapeute par la parole » en échange de l’accord de ce dernier à se soigner. S’en suit une inversion des rôles. Pris à son propre piège, le Dr Breuer devient le patient de Nietzsche.
Souffrant d’obsessions à l’égard de son ancienne patiente Bertha (connue de l’histoire sous le pseudonyme « Anna O. »; cas considéré comme l’origine de la psychanalyse), le Dr Breuer se confie à Nietzsche. Ce dernier s’inspire des techniques utilisées par Breuer et questionne celui-ci sur les avantages que lui procurent les fantasmes qu’il nourris à l’égard de Bertha et sur le sens de ceux-ci. Breuer découvre alors que Bertha symbolise pour lui un échappatoire à une vie dangereuse et mortelle, celle que lui procure le « confort » d’une vie familiale et professionnelle, réussies en apparence mais dépourvues de sens. Bertha est une porte vers la liberté, une fuite devant le piège d’une vie bourgeoise confortable, monotone et prévisible. Bertha est une main tendue face à une vie qui le condamne à mort. A l’issue de ses réflexions, Breuer constate que Bertha représente la passion, le mystère, la fuite, l’antidote à sa solitude et même aussi… sa propre mère, qu’il avait perdue à l’âge de trois ans.
Au-delà de l’intérêt historique du roman d’Irvin Yalom, “Nietzsche a pleuré” est une parfaite illustration du principe d’ « intention positive » selon lequel tout comportement détient ou a détenu une intention positive. C’est exactement ce que le Dr Beuer fait en interrogeant Nietzsche sur les avantages qu’il tire de ses migraines tout comme Nietzsche le fait en questionnant Breuer sur les avantages que ce dernier puise à fantasmer sur Bertha.
Il s’agit d’un des présupposés de la PNL (programmation neuro linguistique). En identifiant l’intention positive d’un comportement problématique, l’individu ouvre son champ de conscience. Il récupère la capacité à poser d’autres choix pour atteindre l’objectif poursuivi par « l’intention positive ».
Imaginons un homme dont la procrastination l’amène à de fréquentes disputes avec son épouse; cette dernière ne supportant plus la lenteur de son mari, ses indécisions ou son report incessant de l’accomplIssement des tâches quotidiennes. L’intention positive que cet homme pourrait trouver à procrastiner serait d’obtenir l’attention de son épouse qui, en le houspillant, « s’occupe » de lui. Cet homme pourrait préférer ces marques d’intérêt à l’indifférence de sa compagne. Evidemment, ceci est inconscient dans le chef du mari tant qu’il ne s’est pas interrogé sur l’intention positive que recèle sa tendance à procrastiner. Comprenant que ce dont il a besoin, c’est l’attention de sa compagne, cet homme pourrait trouver d’autres moyens de l’obtenir. Ce faisant, il parviendra à abandonner son comportement problématique de procrastination. En d’autres termes, il redeviendra acteur de sa propre existence, de ses choix et de la satisfaction de ses besoins.
Et si on cherchait, nous aussi, à identifier l’intention positive des maux qui nous tourmentent et des comportements qui nous posent problème ?
- Si vous êtes atteints de maux physiques, quel(s) avantage(s) vous procurent-ils ? (s’ils existent, c’est qu’en quelque sorte, ils remplissent une fonction dont vous n’êtes peut-être pas conscients)
- quels sont les avantages que vous procurent vos maux de dos ?
- en quoi vos maux d’estomac remplissent-ils une fonction ?
- etc…
- Quel profit tirez-vous d’un comportement qui – apparemment – vous pose problème ?
- si vous procrastinez, qu’est-ce que la procrastination vous permet ? en quoi remplit-elle une fonction utile pour vous ?;
- si vous vous mettez facilement en colère, à quoi cette colère vous sert-elle?
- quelle est la fonction de votre manque d’assertivité ou de votre incapacité à dire non ?
- etc…